Le second prototype “Marine” et dernier avion de développement s’envole pour la première fois le 8 novembre 1993 à Istres.

Le prototype Rafale M02 : 1993 – 2018 (ou 2019) (? heures de vol)

(Photo ci-dessus © Sebastien Randé – Dassault Aviation)

Ancien de l’Aéronavale, Eric Gérard est aux commandes. Le Rafale M02 vole pendant 1 heure. Le même jour, le M01 débute sa troisième campagne d’essais aux USA.

Pendant le vol inaugurale, le Rafale M02 (F-ZWVN) atteint Mach 1,3 et 45000 pieds. Tous les systèmes fonctionnent parfaitement : anémobarométrie, train d’atterrissage, turbo-générateur d’air … Il dispose d’une nouvelle dérive de série, plus légère que les précédentes.

Premier vol du Rafale M02 © Dassault Aviation
Photo de famille © Via André Requin
Le prototype le plus proche de l’avion de série

Le Rafale M02 dispose d’un cockpit similaire à celui du B01, ainsi que du siège éjectable Mk-16. Par ailleurs, il utilise des calculateurs de commandes de vol de nouvelle conception.

Son équipement sera plus complet, avec l’emport possible de l’ensemble SPECTRA, de l’OSF et du RBE2. Il servira à tester la bonne tenue de toute l’électronique de bord, lors des phases de catapultage et d’appontage.

Le Rafale M01 ayant effectué seul la première campagne d’essais à la mer en avril 1993, le Rafale M02 participe aux suivantes :

  • Janvier / février 1994 : la campagne s’interrompt en raison du départ en mission du porte-avions Foch,
  • Avril 1994 : reprise des essais avec emports de charges et VAMOM.

En octobre 1994, le M02 réalise le premier vol avec un système d’arme complet, incluant entre autre RBE2 et SPECTRA.

Les prototypes Rafale M01 et M02 lors de la seconde campagne d’essais à la mer qui se déroule du 27 janvier au 7 février 1994 sur le Foch © Dassault Aviation
Vol en formation pour les Rafale M01 et M02 © Dassault Aviation
Le cockpit de série du Rafale M02

Dans son numéro 1499 de décembre 1994, le magazine Air & Cosmos publie les premières photos du cockpit du Rafale M02. Michel Isaac réalise les photos (ci-dessous un scan de la revue expliquant la médiocre qualité des images).

L’inclinaison du siège éjectable conduit les ingénieurs à positionner celui-ci très en avant. En conséquence, ils optent pour un mini manche latéral à main droite, en lieu et place de la traditionnelle position centrale. Le Rafale rejoint en cela le F-16 américains. Cependant, contrairement à celui-ci, le mini manche du Rafale présente un faible débattement d’environ 10 mm autour de sa position repos.

Comme sur la manette des gaz installée à gauche, de nombreux commutateurs et curseurs prennent place sur le manche, participant au concept “Main sur Manche et Manette”. Ce principe est aujourd’hui déployé sur de nombreux avions de combat sous l’appellation HOTAS : Hand On Throttle And Stick. On observe également que la manette des gaz est unique et permet de commander les 2 réacteurs. Elle dispose d’un repose bras permettant de soulager le pilote lors de fortes manœuvres.

L’écran de secours situé à droite tire ses informations des gyromètres et accéléromètres du système des commandes de vol. Il dispose d’une alimentation séparée du reste du tableau de bord.

Cockpit du Rafale M02 : le petit écran circulaire à droite est un indicateur de situation horizontale de secours. A l’extrême gauche, de forme carré, le Poste Dialogue Systèmes © Michel Isaac
Un Collimateur Tête Moyenne (CTM)

Si le Collimateur Tête Haute (CTH) équipe déjà le Rafale M01, une des nouveautés du M02 consiste en la présence d’un Collimateur Tête Moyenne (CTM). Il prend place au centre de la planche de bord et offre un champ de vision de 20° x 20°. Par rapport à l’écran présent sur le Mirage 2000, il est ainsi 4 fois plus “large” et la cartographie couleur y fait son apparition.

En comparaison, le Mirage 2000N utilise un film couleur sur lequel une tête de lecture défile en suivant les évolutions de l’appareil. Conséquence : la solution manque de souplesse pour le pilote. En revanche, avec le numérique, la carte est reconfigurable à volonté et permet en particulier de ne faire apparaître que les informations nécessaires.

L’équipement, TMC 2020, présente un champ suffisamment large pour être découpé. Ainsi, il est possible d’afficher la cartographie, mais également l’imagerie radar du terrain. En conséquence, la puissance des générateurs de symboles affichés sur les visualisations a été décuplée par rapport au Mirage 2000.

Cockpit Rafale M02 en 1996 © Michel Isaac
© Michel Isaac
Des antennes IFF conformes

Complément indispensable du radar, l’interrogateur / répondeur IFF s’intègre au Rafale à travers 2 antennes conformes. Elle utilisent également le principe du balayage électronique et se positionnent en arrière du cône radar. Cette solution s’impose par l’absence de réflecteurs mobiles sur le RBE2. En effet, les dipôles de l’interrogateur IFF sont généralement situés sur le réflecteur radar, de manière à co-focaliser les émissions de l’un et de l’autre.

Le boîtier de commande du pilote disparaît également au profit d’actions sur les visualisations latérales tactiles.

Fin 1992, le standard NIS (NATO Identification System) ne fait pas encore l’objet d’un consensus au sein de l’Alliance Atlantique nord. Pour cette raison, la DGA décide donc de lancer l’IFF du Rafale au standard Mk XII, capable d’interroger et identifier dans des modes cryptés, mais n’offrant pas la résistance promise au brouillage par le NIS.

Thomson et Dassault Electronique livrent le prototype à la fin de l’année 1994.

Contrairement au RDI du Mirage 2000 (en médaillon), le RBE2 ne dispose pas des 4 dipôles. Thomson CSF présente donc son combiné IFF SB25 à antennes conformes
Les principaux partenaires du programme Rafale dans les années 90

Principal industriel du programme, Dassault Aviation assure l’architecture globale industrielle, mais s’entoure également d’autres entreprises du secteur aéronautique :

  • Dassault Electronique : SPECTRA, bus, calculateurs de mission, enregistreur d’accident
  • Aérospatial : missiles
  • Air Equipement : circuits carburant
  • Auxilec : circuits électriques
  • Bronzavia : servitude hydrauliques
  • ECE : cœur électrique
  • ELECMA : calculateur moteur M88
  • EROS : équipements circuit oxygène
  • GIAT : canon de 30 mm
  • GIE radar : RBE2
  • Hispano Suiza : relais d’accessoires, équipements moteur
  • Intertechnique : équipements circuits carburant
  • Matra Défense : missiles et SPECTRA
  • Messier Bugatti : train d’atterrissage, génération hydraulique
  • Microturbo : générateur auxiliaire de puissance, démarreurs
  • SAGEM : centrales inertielles, boîtiers CDVE
  • SAT : optronique secteur frontale
  • SECAN : équipements du conditionnement
  • SEMMB : siège éjectable
  • Sextant avionique : visualisations, génération de symboles, radio, capteurs, commandes vocales, GPS
  • SNECMA : moteurs
  • Sully Produits spéciaux : verrière
  • Technofan : conditionnement
  • Thomson CSF : radio altimètre, radio protégée, MIDS, NIS, SPECTRA
  • Thomson TRT : optronique secteur frontale
  • Zenith Aviation : circuit carburant
  • … et bien d’autres.
Photo prise à partir d’un Etendard IV-P. Le Rafale M02 accompagnant une formation de 4 Crusader et 4 Super Etendard en mai 1994 à l’occasion du lancement du porte-avions Charles de Gaulle © Benoît Silve
Campagne d’essais à la mer du Rafale M02 sur le porte-avions Foch en 1994

Embarquons à bord du porte-avions Foch (R99), avec ces quelques photos de Tarek Omar.

Avril 1994 marque de nouveaux essais pour le Rafale M02. Outre une série d’appontages et catapultages avec différentes configurations d’emports, le M02 subit également une Visite d’Aptitude à la Mise en Œuvre et à la Maintenance (VAMOM). C’est d’ailleurs la première VAMOM effectuée sur porte-avions. Elle consistera en l’analyse de pas moins de 243 opérations diverses, comme la pose et dépose de différents emports : missiles ou réservoirs supplémentaires par exemple. Le M02 subira 2 autres VAMOM en juillet 1995 et en 1996.

Henri Bitouzet nous livre également quelques photos complémentaires du Rafale M02 en sortie de catapulte :

L’Optronique Secteur Frontal (OSF)

Son développement démarre en mai 1992 chez Thomson-TRT Défense et SAT. Thomson pilote la télémétrie laser, et SAT se charge des fonctions veille et détection infra-rouge. Les premières recettes débutent en 1996.

Ce type de capteur présente l’avantage d’être “passif”, donc sans émission de rayonnement. Participant à la discrétion de l’appareil, il complète également le radar. En effet, de par son intégration au SNA, l’OSF fournit des données numériques et vidéos enrichissant la lecture de la situation tactique. Enfin, il permet également la désignation d’objectifs.

En 1989, les spécifications mettaient en avant une capacité de surveillance  et de poursuite jusqu’à 40 NM, et d’identification à 13 NM.

En mission air-air, l’OSF est un capteur multicibles capable de réaliser recherche, acquisition et poursuite d’objectifs. Son action est principalement 2D, mais l’usage du télémètre laser permet une lecture 3D des informations. De nombreuses fonctions complètent ses capacités : analyse de raid, détection missiles, analyse résultats de tirs et reconnaissance.

En mission air-sol, l’OSF est également multicibles, permettant la recherche, l’acquisition et la poursuite d’objectifs terrestres et maritimes.

Tout comme le RBE2 et SPECTRA, l’OSF sera testé sur Mirage 2000 “ABE” (B501) et Mystère XX (104-188). D’ailleurs, cela nécessitera de faire évoluer les enregistreurs d’essais, en les rendant capable d’acquérir jusqu’à 240 Mbits/s de données. Une maquette d’enregistrement sera également installée sous le nez du Mystère XX 138.

Istres en 2001 : le prototype Rafale M02. L’avion arbore l’insigne de la Flottille 14F en l’honneur du pilote d’essais Eric Gérard, ancien de la Flottille © Alain BerthinBordeaux Mérignac Spotters
Le Rafale M02 à Istres en juin 2001. Visible sur le nez de l’appareil : l’Optronique Secteur Frontale (sous les protections en rouge). Le prototype sera également présenté au salon du Bourget la même année © Olivier Fusy
Premier appontage sur le Charles de Gaulle en 1999

Le nouveau porte avions de la Marine nationale entame des premiers essais au cours de l’été 1999 au large de Brest.

C’est le 6 juillet que le Rafale M02 apponte pour la première fois sur le porte avions Charles de Gaulle. C’est d’abord le Super Etendard n° 35 qui réalise cette première, aux mains d’Eric Gérard à 13h38. Puis c’est Yves Kerhervé qui apponte à 19h04 avec le Rafale M02.

Le premier catapultage se déroule le lendemain à 15h26 avec le M02.

Ces premiers essais à bord du Charles de Gaulle se concluent le 20 juillet avec 33 appontages et catapultages du prototype.

Du 23 au 31 août 1999, le porte avions réalise une septième sortie en mer et troisième campagne d’essais aviation. Le groupe aérien se compose alors de 6 Super Etendard, un Hawkeye et du Rafale M02. Déjà, les premiers Rafale M de série sortent des chaînes d’assemblage de Dassault : le 27 septembre 1999 avec le Rafale M1, en juillet 2000 avec le M2

Le Rafale M02 équipé d’un missile AM-39 Exocet © Dassault Aviation
Le Rafale M02 sur le Charles de Gaulle en 2012 (Campagne CDG8). L’appareil effectue ici un test d’intégration GBU-24 © Sebastien Randé – Dassault Aviation

Les prototypes réalisent pas loin de 400 vols par an !

En témoignent les cumuls des vols réalisés par les 4 appareils entre 1994 et 1995. Malheureusement, se profile déjà un ralentissement du programme pour des raisons budgétaires. En effet, le gouvernement prononce la suppression de 2 milliards de Francs sur le programme Rafale pour l’année 1994. Le Rafale M01 sera d’ailleurs arrêté de vol pendant 6 mois à l’issue de sa campagne d’essais à la mer.

Février 1994, les 4 prototypes totalisent 1712 vols :

  • C01 : 350 vols
  • M01 : 381 vols
  • B01 : 91 vols
  • M02 : 23 vols

Avril 1995, les 4 prototypes Rafale comptabilisent 2150 vols et 1990 heures de vol :

  • C01 : 758 vols et 924 heures
  • M01 : 633 vols et 378 heures
  • B01 : 510 vols et 515 heures
  • M02 : 249 vols et 173 heures
Le Rafale M02 à Nîmes en 2007 © Bruno Faure
Système Local de Préparation et de Restitution Mission (SLPRM)

La complexité de la guerre aérienne moderne conduit le programme Rafale à développer le SLPRM. Le Système Local de Préparation et de Restitution Mission permet d’optimiser les paramètres temporels et spatiaux d’une mission. Quelques exemples :

  • utilisation des masquages du relief
  • guerre électronique (menaces)
  • situation tactique (couloirs de vol, troupes au sol)
  • ravitaillements en vol et plans de relève pour la défense aérienne
  • phases d’attaques, armements
  • données de navigation (radio, MIDS, IFF), météo, etc.

L’ensemble se veut autonome, mais il est également en mesure de se connecter à d’autres systèmes : chaîne de commandement, porte-avions, simulateurs ou bases de données géographiques. En outre, par sa conception le SLPRM est multi-avions (Mirage 2000, Hawkeye, etc.), multi-armements (ASMP, Exocet, etc.), multi-missions et interopérable (OTAN).

Ecran de préparation mission dans les années 90
Le banc de test MERMOZ

Avec le système documentaire Galilée, le banc de test Mermoz assure le soutien au système d’armes Rafale. Il permet de maintenir les équipements électroniques de l’avion quand la maintenance en ligne ne suffit plus. Son domaine couvre en outre le radar et l’optronique. L’ensemble se compose d’un banc de test, d’un logiciel qui supporte la méthodologie, et de programmes de tests.

Le Rafale M02 en chambre anéchoïde à Istres peu avant 1996 (Source Air Actualité 494)
Retrait du service

Le Rafale M02 effectue son dernier vol en 2018 ou 2019.

M02 ou pas ? Si l’on en croit une vidéo corporate de Dassault Aviation (2020), une cellule semble avoir été installée en chambre anéchoïque sur la Base Aérienne d’Istres. Ci-dessous, une capture d’écran à 3’11. On observe que la partie arrière du fuselage semble quelque peu modifiée. S’agissait-il du M02 ?

Le Rafale M02 devrait vraisemblablement rejoindre le M01 à Hyères, en octobre 2021 en rejoignant l’Ecole des Personnels de Pont d’Envol (EPPE) de la Marine nationale. Celle-ci forme l’ensemble des marins en charge de la mise en œuvre d’avions et d’hélicoptères sur les unités de la flotte française.

1999 : En route vers la production de série

Premier Rafale M de série, le “M1” effectue son premier vol le 7 juillet 1999 aux mains de Philippe Deleume. Pendant 80 minutes, le Rafale M1 atteint Mach 1,2 (sans usage de la PC) et 50000 pieds. Il évolue entre +7,5 et -3 g à une vitesse minimum de 100 kts à une incidence de 26°. Après 3 vols de réception, le Rafale M1 rejoint Istres fin septembre.

Le même jour, le Rafale M02 apponte sur le porte-avions Charles de Gaulle …

Le Rafale M1 fait partie de la première tranche d’appareils commandés par la France (13 avions) en 1997. Tout comme le Rafale B301 dont le premier vol remonte à fin 1998, le Rafale M1 est un appareil de développement.

En janvier 2000, le programme Rafale totalise 3500 vols (hors démonstrateur).

Le Rafale M1 © Dassault Aviation

Remerciements – NDLR

Je tiens tout particulièrement à remercier Charles Gauchy et Jean-Pierre Mille pour la mise à disposition de leurs innombrables coupures de presse. Merci de m’avoir accordé une telle confiance. Sans vous, ces articles auraient manqué cruellement de contenu.

Bien entendu, fidèle à la “philosophie Omnirole-Rafale.com”, merci à tous mes contributeurs photos de m’aider à illustrer mes articles. D’ailleurs, si vous aussi avez des photos, ou si vous avez participé à l’aventure des prototypes Rafale, n’hésitez pas à me contacter !

Nécessaire précision : afin de rédiger les différents articles sur les prototypes Rafale, je me suis appuyé sur une vaste documentation. Je me suis donc permis de reproduire quelques photos provenant de livres ou revues aéronautiques de l’époque. Si toutefois les auteurs concernés par certaines publications s’opposaient à cette utilisation, je les invite à me contacter. Je retirerai alors les images à leur demande, ou ferai mention d’un copyright jusqu’ici inconnu. La plupart de ces livres et revues n’étant plus disponibles à la vente, j’ai volontairement souhaité en partager une infime partie avec des lecteurs moins chanceux de ne pas disposer d’une telle collection dans leur bibliothèque.

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