Comment distinguer ces versions pourtant bien différentes ?
Le Rafale se décline en trois versions : le Rafale C monoplace, le Rafale M monoplace embarqué sur porte-avions et le Rafale B biplace. Peu d’éléments différencient finalement les trois modèles. Ainsi, il n’est pas toujours évident de différencier les deux versions monoplaces, C et M.
On estime que les trois versions partagent 80% de composants en commun. S’il est aisé de distinguer la version biplace, qu’en est-il des Rafale C et M, tout deux monoplaces ? Analyse …
Caractéristiques extérieures du Rafale Marine
Débutons par le plus facile : ce que l’on peut observer de l’extérieur.
1/ Le train d’atterrissage (Safran Landing Systems)
Indéniablement la pièce maîtresse du Rafale Marine, lui permettant appontages et catapultages à bord du porte-avions Charles de Gaulle, mais également sur les porte-avions américains.
Il permet une accélération de 0 à 240 km/h en 3 secondes et des résistances de 90 à 100 tonnes.
Le train avant de la version marine a la capacité de restituer l’énergie qu’il a emmagasiné lors de son enfoncement initial provoqué par l’effort de traction de la catapulte. Après le catapultage, l’amortisseur se reconfigure automatiquement pour permettre le meilleur amortissement possible en vue de l’appontage.
Lors du catapultage :
- La barre de traction du train avant se place dans le sabot de la catapulte (launch bar).
- Un brin à casser retient alors le train, le hold back, taré à 35 tonnes.
- La pression augmente dans la catapulte et les réacteurs poussés à fond.
- Le brin casse en atteignant 35 tonnes de traction.
- Le train n’étant alors plus soumis à l’effort de traction, il restitue son énergie et provoque alors une impulsion verticale favorable à l’envol.
En définitive, les sorties de catapultes varient de 140 à plus de 170 kts selon les emports de charges et se réalisent sur à peine 75 mètres (contre 90 mètres sur les porte-avions américains).
Les trains avant et principaux ont été renforcés afin de répondre aux conditions difficiles d’atterrissage et de décollage que rencontre ce type d’appareil. Cette version renforcée est capable d’absorber une énergie verticale d’atterrissage correspondant à une vitesse de 6,5 mètres par seconde. Le train avant du Rafale M intègre la barre de catapultage (et son système opérationnel), et la technologie “jump strut” fournissant une poussée complémentaire lors du décollage.
Un des avantages de cet atterrisseur est sa manœuvrabilité au sol avec une roue qui peut être orientée sur 360°et pilotée sur +/-75° (dirav ou nose wheel steering).
Sur la partie haute du train avant, on observe un boîtier disposant de 3 lampes (vert, ambre et rouge). Il s’agit d’une information visuelle destinée à l’officier d’appontage, relative à l’incidence de l’avion. En revanche, à l’opposé, on y trouve un unique phare de roulage.
Le train avant “sauteur” du Rafale Marine
Le catapultage
Le train principal
Cinématique de train
2/ Une échelle intégrée rétractable
Pour faciliter les opérations logistiques sur le pont d’envol, le Rafale Marine dispose de sa propre échelle pour monter à bord.
3/ Telemir (Alignement à la mer)
Ce petit appendice, visible au sommet de la dérive, est un récepteur infrarouge permettant au porte-avions de communiquer au Rafale Marine sa position avant catapultage. Toutefois, depuis l’apparition des centrales inertielles hybridées GPS, ce dispositif n’est plus utilisé.
Une connexion par câble peut néanmoins compenser la perte du signal GPS.
4/ Crosse d’appontage
Située sous l’appareil, à l’arrière et entre les 2 réacteurs, la crosse d’appontage permet d’accrocher les brins d’arrêt lors de l’appontage. Contrairement à la crosse d’arrêt des versions “Air”, celle-ci peut à la fois s’abaisser et se remonter. Par ailleurs, elle est considérablement renforcée pour permettre de stopper l’appareil sur environ 70 mètres à une masse de 13.5 tonnes.
5/ Protections contre les brins d’appontages
Sous les réacteurs, ces protections permettent aux brins d’arrêt de ne pas endommager le fuselage lors de l’appontage.
6/ Les cocardes tricolores, ainsi que leur position
Si la Marine Nationale et l’Armée de l’Air affichent des cocardes distinctes, d’autres éléments permettent également de différencier la version Marine de la version “Air” du Rafale. On observe par exemple que le symbole triangulaire indiquant la présence d’un siège éjectable, est rouge sur la version “AIR” et gris sur la version “MARINE”.
7/ Le “vide vite” (dump fuel)
Système permettant de vidanger une partie du carburant, et permettre ainsi à l’appareil d’atteindre la masse admissible à l’appontage ou atterrissage. Il est absent des versions “AIR” du Rafale.
Sans lien direct avec le “vide vite”, il est également possible de vidanger les réservoirs supplémentaires (on dit alors qu’on les “percute”). L’opération est dans ce cas irréversible.
8/ Le “lave glace”
Détail tout juste visible à l’œil nu, le Rafale M dispose d’un petit gicleur à la base de la verrière. Par action du pilote, il permet de “rincer” celle-ci en chassant les traces de sel et d’écumes déposés par l’air marin. Un réservoir d’une contenance de 1,35 litres l’alimente, de quoi assurer un fonctionnement pendant une minute.
Particularités dans le cockpit du Rafale Marine
En cabine, les spécificités sont elles aussi nombreuses et se manifestent sous formes de diverses commandes :
- Un sélecteur CVN/CVN/GND pour l’alignement des centrales inertielles (sur porte-avions ou sur terre)
- La commande de crosse d’appontage (sous la forme d’un petit crochet)
- La commande de launch barre (train avant)
- Un répétiteur d’incidence
- Une montre chronomètre
- La commande pour l’électro-pompe de secours hydraulique
- La commande pour déployer l’échelle
- Une commande pour activer le “dump fuel” (vidange carburant)
- La VTH dispose également d’affichages spécifiques aux phases d’appontages et catapultages (indicateur d’accélération en sortie de pont par exemple)
- La commande de la nacelle Narang (compatible sur toutes les versions, mais installée selon les besoins)
Les spécificités “internes” du Rafale Marine
- La masse à vide : compte tenu de ses particularités, le Rafale M est le plus lourd. 9950 kg, contre 9350 et 9550 pour les versions C et B (renforts structurels, train d’atterrissage, etc.)
- Électro-pompe. C’est une demande particulière de la Marine. Elle consiste à pouvoir mettre en pression l’accumulateur frein de parc alors que moteurs et TGA sont éteints. Ainsi, les freins et la crosse restent manœuvrables. Une batterie supplémentaire l’alimente.
- Un lest pour compenser la différence de poids du train avant.
- Le siège éjectable est également conçu pour partir légèrement vers la gauche. Cela permet d’éviter l’îlot du porte-avions lors d’une éjection. Il s’agit en fait du siège arrière des Rafale biplaces, dont le siège avant part quant à lui sur la droite.
- Le “belly“. Il remplace le feu anticollision sous le fuselage (strobe) et son allumage est fixe.
- La quantité de carburant est aussi légèrement supérieure (en raison de la conception différente de son réservoir groupe avant).
Les emports et configurations optées par la Marine
- Bring back capability : afin de pouvoir apponter selon une masse autorisée, et sans forte dissymétrie, les configurations d’emports ne sont pas similaires à celles de l’Armée de l’Air. Ainsi, l’emport du missile SCALP se fait au point central, alors qu’il peut être double sur un Rafale “AIR”. Le catapultage doit répondre également au domaine de vol établit à l’issue des essais et qualifications. Toutes les configurations ne sont donc pas possibles, d’autant plus si le retour au porte-avions se fait avec un armement partiellement délivré.
- Les emports exploités par la Marine : la nacelle NARANG (configuration “nounou” et “super nounou”) ou le missile Exocet par exemple. Attention toutefois, rien n’empêche un Rafale “AIR” d’emporter la nacelle Narang.
- Point d’emport : son nombre est de 13 contre 14 habituellement, en raison de la taille du train avant (le point central avant est absent).
Voilà pour l’essentiel …
NDLR :
Je tiens à remercier tout particulièrement Cyril Defever pour sa participation à travers de nombreuses photos. J’en profite pour rappeler aux lecteurs l’existence d’un superbe ouvrage relatif au Mystère IV, dont Cyril est co-auteur. Mentions particulières à l’ensemble des contributeurs qui m’ont aidés à la réalisation de cet article via notre groupe Facebook.
Mystère IV en service dans l’Armée de l’Air
19 thoughts to “Différences entre le Rafale Marine et “Air””
Bonjour Philippe,
Merci pour cet article, j’ai beaucoup appris !
Et merci aussi pour les articles Facebook, les photos sont top ! J’y contribuerzi bientôt.
Petite question : le vide vite étant positionné relativement près des tuyères, est il possible que le rafale puisse enflammer le carburant largué à l’image du F111 Aardvark ?
A bientôt. Lucas
Merci pour ces encouragements, Lucas.
En effet, l’image du F-111 qui enflamme son carburant est bien connue, surtout en Australie.
A ma connaissance, non, je n’ai jamais vu le Rafale en faire autant (et aucun autre appareil, d’ailleurs). Le F-14 également était capable de cela, car le vide vite était situé entre les 2 réacteurs. Pour info, il y avait une sécurité pour empêcher de faire cela par erreur au sol : un capteur “weight on the wheels” (WOW) qui détectait que le train d’atterrissage était comprimé, donc au sol (système qui servait aussi à bien d’autres choses). La vidange s’effectuait à environ 680 kg par minute.
Le RA-5C Vigilante avait également cette capacité …
Votre xpose sur les specificites Rafale A ou M est tres intetessant pour un candide merci
Merci. Nous essayons en effet d’apporter un maximum d’informations, du moins, ce qui est accessible à notre niveau.
Bonjour,
Merci pour ces explications fort passionnantes au sujets d’un avion tout aussi passionnant.
Je vais pouvoir corriger mes maquettes de Rafales au 1/48.
Merci
Merci.
Surtout, ne pas hésiter à poster les photos dans notre groupe Facebook :
https://www.facebook.com/groups/565680463831717/
😉
Merci,, beau partage enrichissant.
Merci. Ce n’est pas toujours évident de traiter un tel sujet quand on est juste un “amateur”, mais avec un peu d’aide, cela permet de faire quelques lignes instructives.
Bravo et merci
Continuez pour les anciens les amoureux et les spotters
Merci, c’est gentil 😉
Bonjour,
J’ai lu que le tissu du siège est couleur vert kaki pour les B et C, couleur “vieux rose ” pour les M ; alors je suppose qu’ils doivent être différents peut-être aussi niveau pyrotechnique ?
Bonjour,
Alors là, je n’avais pas fait attention à ce détail. Va falloir que je regarde ça de près.
Par contre, du point de vue pyrotechnique, il n’y a pas de différences, du moins à ma connaissance.
En regardant de dessus les bonnes maquettes sur les tables, c’est un détail qui se voit mieux qu’en réel (c’est haut un Rafale !) ; alors si je peux faire avancer le “jeu des différences “, c’est avec plaisir…
Amitiés,
Claude.
Bonjour Philippe,
Une question au sujet des deux versions.
Pourquoi Dassault après toutes ces décennies d’expériences et surtout l’expérience acquise avec maintient ses pêches de ravitaillement apparentes ? Outre le volet esthétique, ne gênent-elles pas la vision du pilote ?
Mes encouragements
Bonjour,
Il est vrai que l’on peut observer différentes techniques pour les perches de ravitaillement en vol.
– celles qui sont totalement intégrées et qui se déploient : impliquant plus de mécanismes, plus de poids et potentiellement risques de pannes. C’était le cas du Jaguar et l’on retrouve d’ailleurs ce choix sur les F-35B/C. On observera aussi qu’elles entraînent une perte de place dans le fuselage, et dans un avion de petite taille, comme le Rafale, chaque centimètre cube compte.
– celles qui peuvent également se déployer, mais logées dans un carénage contre le fuselage. C’est le cas du Tornado, par exemple.
– enfin, celles que l’on retrouve depuis les Mirage F1, Mirage 2000 et enfin le Rafale : totalement externes et fixes.
Je pense tout simplement qu’il s’agit là d’une question de choix et de compromis. Si en effet la perche apparaît dans le champ de vision du pilote, son étroitesse ne doit pas être un “gros inconvénient”. En revanche, parmi les avantages, je citerai : le coût (moins de mécanismes = moins cher), la maintenance (pas de mécanismes, en dehors du gland), la robustesse (pas de mécanismes, dont moins de contraintes), la fiabilité (encore une fois, pas de mécanismes). On le voit, en retirant la partie mécanique de la perche, on y gagne “beaucoup”, surtout avec un avion qui volera (au moins) 40 ans.
Bien évidemment, je pense que tout pilote répondrait qu’il souhaiterait ne pas avoir cet appendice en visuel (peut-être même l’arceau avant de la verrière, façon F-16).
Encore un fois, c’est une question de choix et de compromis budgétaires.
Un exemple parmi tant d’autres : l’échelle intégrée du Rafale M n’existe pas sur la version Air, simplement pour des raisons de coût. Ce choix s’est fait dans les années 90 où l’équipe de marque devait trouver à économiser le moindre “Francs”.
Je voudrai savoir si vous pouvez me trouver un plan, un dessin ou une photo du système d’accroche de la barre de traction du Rafale. Juste au niveau des roues du train avant.
Merci par avance si possible
Bonjour,
Si je comprends bien, je dois avoir ça ici :
https://www.flickr.com/photos/119121725@N06/14228302237/in/album-72157645165475024/
Bonjour,
Je viens de découvrir votre site
Bravo pour toute cette documentation et les explications
Juste une petite remarque sur la dernière étape du catapultage
“Le brin casse en atteignant 35 tonnes de traction.
Le train n’étant alors plus soumis à l’effort de traction…”
Je pense que le train ne se détend que lorsqu’il est relâché par le sabot en bout de pont
Dans les vidéos prises du cockpit, on voit bien la secousse juste avant que l’avion quitte le pont
Cordialement
Bonjour,
Merci pour ces compliments 😉
En effet, la restitution de l’énergie verticale acquise par le train avant s’effectue en bout de course de la catapulte (à l’issue de l’effort de traction).